La chandeleur, c’est tous les ans le 2 février. Facile, c’est 40 jours après la veillée de Noël !Dans la religion chrétienne, c’est le jour de la présentation de l’enfant Jésus au temple.

Selon la croyance populaire, on fait des crêpes à la chandeleur pour rendre hommage  au soleil qui se lève de plus en plus tôt (en fait, le phénomène commence dès la fin du solstice d’hiver – le 21 décembre – mais devient visible début février).

La version courte


Rien de plus simple que de faire une pâte à crêpes. Il faut du lait (ou de l’eau), de la farine, des œufs et un peu de beurre fondu ou d’huile. On peut aussi sucrer la pâte, ou faire une pâte neutre pour des crêpes salées.

Il existe autant de recettes que de crêpiersLes proportions de base c’est 500 ml de lait, 250g de farine + sucre, 4 oeufs, 25 de beurre fondu et 3g de sel.

Au-delà des proportions qui peuvent varier pour des crêpes plus ou moins fines, il y a 3 gestes simples à respecter pour réussir la pâte et la cuisson.

  1. Tamisez la farine si vous préparez la pâte à la main. Ça facilite la pénétration du liquide dans la farine, et ça donne des crêpes plus moelleuses et digestes. Pas besoin de tamiser si vous utilisez un robot.
  2. Laissez reposer la pâte au moins 2 heures à température ambianteC’est le secret de la réussite ! Si vous êtes pressé, utilisez du lait tiède.
  3. Faites cuire vos crêpes à feu vif, dans une poêle très chaude.

A la fin de cet article, je vous propose la recette de crêpes de Valérie, de C’est ma fournée. C’est une recette adaptée de celle de Pierre Hermé et, selon Valérie, c’est « la recette ultime ». A vous de juger !

Que nous dit la science ?


Chacun son rôle

Chaque ingrédient joue un rôle précis dans la pâte à crêpes. Il est utile de les connaitre pour réussir la préparation de la pâte et la cuisson des crêpes.

La farine

Si on mange des crêpes (ou du pain ou des pâtes), c’est pour manger les glucides de la farine dont on a besoin. Et c’est meilleur cuit ! (avez-vous déjà essayé de manger de la farine crue ?)

La farine est constituée de grains d’amidon. Quand on mélange de l’eau et de la farine, l’eau s’immisce entre les grains d’amidon, pénètre à l’intérieur et les fait gonfler. C’est ce qu’on appelle la sorption.

Les grains d’amidon gonflés épaississent la pâte. A la cuisson, les grains d’amidon se soudent les uns aux autres et donnent de la consistance à la crêpe.

les grains d’amidon absorbent l’eau et gonflent

La farine de blé contient également des protéines (gluten). En présence d’eau, les protéines du gluten se déroulent et s’attachent les unes aux autres pour former un réseau (imaginez un filet ou l’armature d’un béton armé).

A la cuisson, les protéines durcissent (pensez à un oeuf dur) et donnent de la structure à la crêpe.

En présence d’eau, les protéines du gluten se déroulent et s’attachent les unes aux autres

Mais le gluten n’est pas indispensable. On peut très bien faire des crêpes avec de la maïzena (qui est une farine de maïs qui ne contient pas de gluten).

Le lait

Le lait apporte essentiellement de l’eau (87%) pour faire gonfler les grains d’amidon de la farine.

Il contient également des matières grasses, des protéines et des sucres qui vont apporter du goût et de la couleur aux crêpes (réactions de Maillard).

Mais on peut très bien faire des crêpes avec de l’eau. Elles seront juste un moins goûteuses et moins colorées.

Les œufs

Comme la pâte à crêpe est très liquide, c’est surtout grâce aux œufs que la crêpe « tient » après cuisson.

Sous l’effet de la chaleur, les protéines de l’œuf se déroulent et s’attachent les unes aux autres (elles coagulent).

Elles emprisonnent les molécules d’eau pour donner le moelleux des crêpes (pensez au blanc des œufs au plat).

La matière grasse

L’ajout de beurre fondu ou d’huile à la pâte contribue aussi au moelleux.

En effet, l’huile « capture » une partie de l’énergie transmise par la poêle chaude lors de la cuisson, et réduit ainsi l’évaporation de l’eau. Du coup, les crêpes seront plus moelleuses.

Et la matière grasse va aussi empêcher la crêpe d’accrocher à la poêle.

Avec du beurre, on amène en plus des protéines qui contribuent à la coloration des crêpes lors de la cuisson.

Souvenez-vous que le beurre contient 82% de matière grasse. Donc si vous voulez remplacer le beurre par de l’huile, il faudra en mettre moins : pour remplacer 25g de beurre, il faut 20g d’huile, soit environ 1 CS (15 ml).

Le sel

Même pour des crêpes sucrées, il faut toujours ajouter un peu de sel à la pâte. Le sel est un exhausteur de goût.

Le sucre

La plupart des recettes de crêpes sucrées recommandent d’ajouter du sucre à la pâte à crêpes.

Comme nous l’avons vu dans un précédent article sur les pâtes à tarte, le sucre « emprisonne » les molécules d’eau (c’est ce que l’on appelle « l’effet sucre »). 

Du coup, l’eau sera moins disponible pour faire gonfler les grains d’amidon et pour dérouler les protéines du gluten.

Donc si vous ajoutez du sucre à une recette qui n’en prévoit pas, pensez à ajouter un peu de liquide. La règle, c’est de garder la même proportion de liquide par rapport aux éléments secs (farine + sucre), environ 20%.

La bière

Certaines recettes (surtout dans le Nord de la France) recommandent d’ajouter un peu de bière à la pâte. Ça ajoute de l’amertume, et des petites bulles de gaz carbonique qui, en gonflant lors de la cuisson, créeront de petites bulles d’air, et donc des crêpes plus légères.

Le repos, c’est capital

L’étape essentielle pour réussir ses crêpes, c’est de laisser la pâte reposer, au moins 2h.

Pour bien imbiber la farine

La farine est un élément très sec (15% d’humidité environ). Il faut beaucoup de temps pour que l’eau pénètre entre et à l’intérieur de chaque grain d’amidon.

Sinon, une partie de la farine restera sèche et vous mangerez de la farine crue ou peu cuite. Votre crêpe sera moins digeste, et risque de se déchirer car les grains d’amidon ne seront pas assez liés les uns aux autres.

On peut accélérer la pénétration du liquide en le faisant tiédir avant de le mélanger à la farine. En effet, plus le liquide est chaud, plus sa pénétration dans les grains d’amidon est rapide.

l'empesage de l'amidon
le gonflement des grains d’amidon augmente avec la température du liquide

C’est ce qui explique que les spaghettis s’assouplissent presque immédiatement quand on les plonge dans de l’eau bouillante, ou que la béchamel s’épaissit quand le lait devient chaud.

Pour donner de la structure à la pâte

Dans la farine, il y a des enzymes (protéases) qui découpent les protéines du gluten. C’est ce qu’on appelle l’autolyse.

Et plus les protéines sont petites, plus elles ont de chance de s’attacher les unes aux autres pour former le réseau de gluten.

schéma de l'autolyse dans la farine
les enzymes contenues dans la farine découpent les protéines du gluten (autolyse).
Cela favorise la formation du réseau de gluten

C’est pour cela que les boulangers laissent reposer leur pâte avant de la pétrir. C’est grâce à l’autolyse qu’on peut préparer du pain sans pétrissage, à condition d’ajouter beaucoup d’eau à la farine. J’aurai l’occasion d’y revenir dans un prochain article.

Pour laisser échapper les grosses bulles d’air

Enfin, le temps de repos permet de laisser s’échapper les grosses bulles d’air. C’est particulièrement important pour ceux qui préparent la pâte au robot ou au mixer (pour éviter les grumeaux).

Car s’il y a trop de grosses bulles dans la pâte, elles éclateront à la cuisson et la crêpe aura des gros trous. Pas très pratique pour la confiture ou le Nutella !

Une poêle très chaude !

Plus la poêle sera chaude, plus les protéines des œufs coaguleront rapidement et emprisonneront l’humidité avant qu’elle ne s’évapore. Du coup, la crêpe restera moelleuse.

Si la poêle n’est pas assez chaude, il faudra faire cuire plus longtemps et le crêpe sera plus sèche.

Et la raison pour laquelle les crêpières professionnelles ou de grande qualité sont en fonte, c’est que la fonte accumule mieux la chaleur que l’acier ou le fer. Ainsi, il y a assez d’énergie pour cuire rapidement la première crêpe et les suivantes.

Mais une bonne poêle en acier fera très bien l’affaire !

Quelles implications en cuisine ?


On met la matière grasse à la fin

En effet, si on met le beurre en même temps que la farine, on imperméabilise la farine. C’est d’ailleurs ce que l’on fait quand on prépare une pâte sablée, pour limiter l’hydratation de la farine et donc la formation du gluten.

Pour les crêpes, on veut au contraire que la farine s’hydrate le plus possible. Donc on met le beurre fondu à la fin.

Du lait tiède si on est pressés

Si on n’a pas le temps de laisser reposer la pâte (les enfants hurlent dans le salon), on peut utiliser du lait tiède. Ça accélérera la pénétration du liquide dans les grains de farine.

Attention, si le lait est trop chaud, il cuira les œufs. Donc 60°C maximum !

Repos à température ambiante

Plus le liquide est chaud, plus le liquide pénétrera dans les grains d’amidon. Donc il vaut mieux laisser la pâte reposer à température ambiante. Surtout pas au réfrigérateur !

En plus, le découpage des protéines du gluten (autolyse) est optimal vers 18°-20°C. Une autre bonne raison d’éviter le frigo !

Tamisez la farine

Si vous préparez la pâte à la main, il est important de tamiser la farine. Ça permet de bien détacher les grains de farine, et de faciliter la pénétration du liquide.

Sinon, certains grains resteront collés les uns-aux-autres, et vous mangerez de la farine crue ou presque cuite. Et cela même s’il n’y a pas de gros grumeaux visibles.

Les bonnes proportions

Il y a autant de recettes que de crêpier amateur ou professionnel.

J’ai analysé quelques recettes que j’ai faites ou goûtées :

  1. Les crêpes fines de l’Ecole Cordon Bleu (manuel pratique des desserts).
  2. La recette de Valérie de C’est Ma Fournée, adaptée de celle de Pierre Hermé. C’est celle que je vous propose à la fin de cet article.
  3. Les crêpes de Mamie Dédé (ma belle-mère) qui, aux dires de mes enfants, fait les meilleures crêpes du monde. On ne peut pas lutter contre une grand-mère (et encore moins contre une belle-mère !)
  4. la recette d’une crêperie de montagne qui ne désemplit pas.
  5. la recette de Maïzena pour ceux qui ne peuvent pas manger de gluten.

En comparant ces recettes (toutes ramenées à 500ml de lait, soit 1/2 litre), on peut définir quelques proportions de base :

Pour des crêpes « maison »

  • pour 500 ml de lait, compter la moitié d’ingrédients secs (250g de farine + sucre), 3 ou 4 oeufs20 à 25g de beurre fondu et 3g de sel
  • Si on veut ajouter du sucre à une recette, il faut augmenter la quantité de liquide (pour compenser celle « emprisonnée » par le sucre) pour conserver les mêmes proportions de liquide par rapport aux éléments secs (farine + sucre), soit 2 fois plus de liquide (en ml) que d’ingrédients secs (en g).

Pour des crêpes fines

  • il faut diminuer la quantité de farine.
  • Mais il faut compenser par une plus grande quantité d’œuf pour donner de la structure aux crêpes.

Pour des crêpes professionnelles

  • il y a beaucoup de farine et de sucre. Ça donne des crêpes solides qu’on peut fourrer sans qu’elles ne se déchirent. Et les clients repartent rassasiés. Et pas d’huile chez eux. Il faut dire que leurs crêpières sont en fonte, et parfaitement culottées.

Pour des crêpes sans gluten

  • il faut beaucoup plus de farine et d’œufs pour donner de la structure aux crêpes en compensant l’absence de gluten.

La recette


Je partage avec vous la recette proposée par Valérie de C’est ma Fournée. C’est une recette qu’elle a adaptée de la recette de Pierre Hermé dans le « Larousse des Desserts ». Selon Valérie, c’est « la crêpe ultime ». A vous de juger.

Ingrédients pour 12 crêpes de 26 cm de diamètre (une grande poêle)

  • 500g de lait entier
  • 200g de farine type 45
  • 4 oeufs « bio »
  • 60g de sucre (vous pourrez en ajouter plus selon votre goût)
  • 60g d’eau
  • 3g de sel
  • 20g de beurre fondu
  • 30g de rhum et une gousse de vanille, ou 30g de Grand-Marnier et les zestes d’une orange bio.

Préparation

Au blender ou au mixeur plongeant

  • mettez les oeufs, le lait, l’eau, le sucre, le sel et l’alcool (et la vanille ou les zests) et le beurre fondu dans le blender (ou dans un récipient si c’est avec un mixeur plongeant).
  • Ajoutez la farine et mixez sans attendre à vitesse maximale pendant une minute.

A la main

  • fouettez un peu les oeufs avec le sucre et le sel et la vanille (ou les zests), 
  • puis ajoutez la farine et fouettez à nouveau.
  • Mélangez ensemble l’eau, le lait et l’alcool, et ajoutez-les tout doucement, tout en fouettant.
  • Ajoutez enfin le beurre fondu : le mélange doit être homogène.

Laissez la pâte reposer 2h à température ambiante.

Cuisson

Etalez la pâte finement et cuisez les crêpes à feu vif.

Cette recette contient très peu de matière grasse. Si votre crêpière attache, faites fondre un peu de beurre dans un petit verre, et badigeonnez la poêle à l’aide d’un pinceau ou de papier absorbant avant chaque crêpe.

Les crêpes sont meilleures chaudes, faites à la minute.

Si vous les faites cuire en avance, remplissez à moitié une casserole d’eau, déposez une assiette dessus, laissez le tout sur feu moyen. Vous n’aurez plus qu’à déposer vos crêpes sur cette assiette au fur et à mesure : elles resteront bien chaudes.

Les références

Les articles suivants m’ont aidé à préparer cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.

  1. Lyon Saveurs; la pâte à crêpes sous le microscope
  2. Food Crumbles; The Science of Crepes
  3. C’est Ma Fournée; Crêpes : la recette ultime !