Sauf si vous habitez à proximité d’une fromagerie qui en fabrique, ou que vous vivez en Italie, il est presque impossible de trouver de la mozzarella fraîche. Comme c’est un produit fragile, on doit la conserver au froid. Et du coup elle perd son moelleux et goût frais.

Heureusement, il est possible de lui redonner sa fraîcheur et sa tendreté, (presque) comme au premier jour !

La version courte


Pour redonner de la fraîcheur et du moelleux à de la mozzarella conservée au réfrigérateur, il suffit de la laisser tremper 1h dans un bain de lait tiède (43°C) et légèrement salé.

La mozzarella va s’assouplir, et absorber un peu de lait. Du coup, vous retrouverez la même sensation gustative qu’avec une mozzarella fraîche (si vous en avez déjà mangé !).

Faites le test, vous verrez c’est bluffant ! Et vous ne voudrez plus jamais manger ces morceaux plus ou moins caoutchouteux dans votre salade. Demandez à Margaud, elle vous le confirmera !

Que nous dit la science ?


La structure du fromage

La mozzarella est un fromage à pâte filée. C’est-à-dire que le caillé est placé dans de l’eau chaude dans laquelle il fond et file. Le fromage filant est pétri et étiré, puis coupé (mozzata veut dire coupé en italien) et mis en boule.

Comme tous les fromages, la mozzarella est constituée d’un réseau de protéines (les caséines) qui enferment les matières grasses et le sérum (le petit lait).

schéma du réseau de caséines dans la mozzarella
le fromage est un réseau de protéines (caséines) qui enferment les matières grasses et le sérum

Et c’est le sérum qui « éclate » dans la bouche quand on le mâche, et qui donne ce goût de frais au fromage … frais !

Au froid, les protéines piègent l’eau

Quand on conserve de la mozzarella au froid, l’eau « s’attache » au réseau de protéines (les caséines). Imaginez une éponge imbibée d’eau, mais dans laquelle l’eau resterait « prisonnière » de l’éponge, même quand on la presse.

De nombreuses études ont été publiées sur le sujet. Au bout de 10 jours au froid, toute l’eau (le sérum) contenue dans la mozzarella est piégée. Et quand on la centrifuge, on ne récupère pas d’eau disponible (le sérum extractible).

quantité de sérum extractible de la mozzarella en fonction du temps de conservation au froid
au bout de 10j au froid, il n’y a plus de sérum extractible; source (2)

C’est un phénomène que recherchent les industriels qui produisent de la mozzarella à cuire. Non seulement ça améliore la conservation (l’eau n’est pas disponible pour le développement des micro-organismes), mais surtout ça évite que le fromage ne rende de l’eau quand on le gratine.

Pour la mozzarella crue ou en salade, on veut au contraire que le sérum reste disponible, et puisse éclater dans notre bouche quand on mâche.

Quand on mange de la mozzarella conservée au réfrigérateur (chez le fabricant, puis le distributeur, puis à la maison), l’eau ne se libère pas, ou très peu.

Ce n’est pas que la mozzarella a perdu de l’eau. Elle pèse le même poids que quand elle a été mise en sachet ! La mozzarella conservée au froid contient même plus d’eau (de sérum) que la mozzarella fraîche !

La preuve : quand on laisse de la mozzarella fraîche ou conservée au froid dans un récipient, la mozzarella refroidie perd moins de sérum (petit lait) !

Et le fait qu’on achète de la mozzarella dans un sachet avec de l’eau salée ne change rien à l’affaire

L’eau salée, c’est juste pour la conservation, pour éviter qu’elle ne se dessèche et pour que les bords ne durcissent pas.

La chaleur détend la mozzarella

Le Prof. Jörg Hinrichs de l’Université de Hohenheim en Allemagne a réalisé des images en microscopie électronique de la coupe d’un morceau de mozzarella progressivement chauffé de 20°C à 55°C.

Il a mis en évidence que le réseau protéique (en rouge) se relâche sous l’effet d’un réchauffement modéré (comme une éponge dont on relâche la pression).

relâchement des protéines de la mozzarella quand on la chauffe modérément

A des températures plus élevées, les protéines coagulent et durcissent (pensez à la cuisson des œufs)

Il y a mozzarella et mozzarella !

Sans entrer dans le débat d’experts entre la mozzarella di buffala campana (au lait de bufflonnes de la région de Naples), la mozzarella di buffala (au lait de bufflonnes, mais pas de Naples), et la mozzarella au lait de vache, il est important de savoir qu’il existe 3 grands types de mozzarellas

Les mozzarellas fraîches, vendues dans un sachet d’eau salée pour la conservation. Ce sont celles là qu’on utilise dans les salades.

Les mozzarellas sèches, spécialement produites pour les cuissons (pizzas, lasagnes, gratins, quiches, etc.). Comme elles sont sèches (car conservées au froid), elles ne rendent pas d’eau et ne détrempent pas les préparations.

la burrata : il s’agit d’une mozzarella fourrée à la crème. On ne la mange pas avec des tomates, mais plutôt à la cuillère avec un filet d’huile d’olive !

Quelles implications en cuisine ?


un bain de lait tiède

Kenji Lopez de Serious Eats a essayé plusieurs méthodes pour « rendre sa fraîcheur » à de la mozzarella conservée au froid.

Il a conservé des boules de mozzarella fraîches au réfrigérateur pendant une semaine, puis il les a laissées tremper pendant 1h dans différents bains (eau, petit lait, lait entier) à différentes températures (20°C, 43°C, 63°C). Pour les bains chauds, il a laissé la température redescendre progressivement à la température de la pièce.

Le meilleur résultat a été obtenu avec le lait entier tiède (43°C) ! Lors de tests gustatifs réalisés à l’aveugle, les goûteurs n’ont pas pu la différencier de la mozzarella fraîche. Elle est pas belle la vie ?

La recette


Si vous voulez goûter ou retrouver le plaisir d’une mozzarella fraîche, c’est très simple

  • faites tiédir du lait à 43°C (43°C, c’est la température d’un bain :  chaud mais supportable)
  • salez légèrement (1/2 cc de sel pour 100 ml de lait). Sinon, le sel de la mozzarella va passer dans le lait (l’osmose) et elle sera plus fade.
  • Laissez tremper votre mozzarella pendant 1h (le temps de préparer le reste du repas)
  • Sortez là et régalez-vous !

Les références

Les documents suivants m’ont aidé à rédiger cet article. Que leurs auteurs en soient remerciés.

  1. Kenji Lopez; Serious Eats; The Food Lab: Can You Rescue Poorly Stored Mozzarella?
  2. Chaves and coll.; Proteolysis and Functional Properties of Mozzarella Cheese as Affected by Refrigerated Storage; JOURNAL OF FOOD SCIENCE—Volume 64, No. 2, 1999, pp 202-205