La plupart d’entre nous ont en mémoire le souvenir ému d’un risotto tendre et crémeux dégusté au restaurant ou chez des amis.

Mais on a aussi (et plus souvent !) le souvenir de risottos secs et bourratifs.

Sans parler de terribles déceptions après avoir lancé cette phrase inconsidérée « ce soir, je vous prépare un risotto » ! Malgré tous nos efforts et un vrai champ de bataille dans la cuisine, les regards et les silences des convives nous ont parfois convaincus de ne jamais recommencer !

La version courte


Le risotto, c’est avant tout un mode de cuisson de riz rond « spécial risotto ». L’objectif est d’obtenir un riz avec une texture crémeuse et fondante, et qui a du goût.

La méthode traditionnelle est longue et fastidieuse, et ne donne pas toujours de bons résultats.

La méthode que je vous propose est beaucoup plus simple, et donne des résultats « garantis« . Elle consiste à rincer le riz (spécial risotto) dans le bouillon pour récupérer l’amidon, à faire sauter le riz dans une grande poêle, à verser tout le bouillon en une seule fois, et à faire cuire le riz à couvert à feu doux. Et on termine par la liaison au parmesan, au beurre … et à la crème fouettée.

Plus besoin de rester planté devant les casseroles pour verser le bouillon petit à petit et remuer sans cesse.

A la fin de l’article, je vous propose une recette pour un risotto de base, délicieux !Elle peut aussi servir de base à un risotto plus créatif.

Mythes et réalités au sujet du Risotto

La méthode « traditionnelle » pour le risotto – reprise dans de nombreux livres de recettes – consiste à faire revenir le riz dans de l’huile, puis à lui ajouter petit à petit du bouillon chaud, en remuant constamment.

Mais il faut utiliser beaucoup d’ustensiles, et on est bloqué(e) devant la cuisinière pour au moins 30 minutes. Ce qui en décourage plus d’un(e) !

Les concepteurs géniaux de Serious Eats (et notamment J. Kenji López-Alt) se sont penchés sur le sujet, et ont révolutionné la méthode de cuisson.

Le résultat est stupéfiant : un risotto ultra crémeux, et tellement plus facilement qu’avec la méthode traditionnelle !

Il faut du riz spécial pour faire un risotto : VRAI

Comme nous l’avons vu dans un précédent article sur le riz, le risotto se prépare avec des riz à grain rond, qui contiennent beaucoup d’amylopectine (ArborioCarnaroliVialone Nano).

C’est l’amylopectine qui va absorber le bouillon chaud et gonfler (gélatinisation) lors de la cuisson du riz. Certains grains d’amidon éclatent (empesage), ce qui donne le caractère crémeux au risotto.

Pour le choix de la variété de riz, c’est une affaire de goût. Certains spécialistes trouvent que le riz Arborio – qui contient beaucoup plus d’amylopectine que ses « cousins » – donne un risotto trop épais et des grains « pâteux ». A vous d’essayer les différentes variétés et de faire votre choix.

Il faut faire revenir le riz dans de la matière grasse : VRAI

Pour un risotto vraiment goûteux, il faut faire sauter le riz dans de la matière grasse (beurre ou huile). Cette opération « grille » les grains de riz, et permet de développer des saveurs intenses et complexes (réactions de Maillard). Pensez au pain grillé, ou à la torréfaction du café.

Malheureusement, cette opération rend l’amidon de surface moins disponible, et le risotto moins crémeux.

avec la méthode « traditionnelle », le « sautage » du riz rend le risotto moins crémeux (à droite)

La solution : récupérer l’amidon de surface avant de faire sauter les grains de riz, en rinçant le riz dans le bouillon. Comme cela, on ne sacrifie ni l’amidon, ni le grillé. Ingénieux, non ?

Il faut faire chauffer le bouillon, et l’ajouter petit à petit : FAUX

Il semble que l’origine de cette recommandation (de faire chauffer le bouillon pour le risotto) vienne des ustensiles utilisés à l’époque.

Quand on utilisait des marmites hautes et étroites pour cuire une grande quantité de riz, on pouvait avoir une « certaine » hauteur de riz dans la marmite. Le riz du dessous – plus près de la source de chaleur – chauffait plus que le riz du dessus. Le fait d’ajouter du bouillon chaud permettait d’avoir une cuisson plus homogène.

Si l’on prépare le risotto dans une grande poêle, on aura une épaisseur réduite de riz, uniformément répartie sur le fond de la poêle. Dans ce cas, pas besoin de faire chauffer le bouillon. C’est plus facile, plus économe en énergie, et ça fait de la vaisselle en moins !

Il faut remuer constamment pour favoriser la libération de l’amidon : FAUX !

Le principe de la préparation d’un risotto, c’est de libérer beaucoup d’amidon dans le bouillon, pour donner une sauce onctueuse.

A l’origine, on pensait qu’il fallait remuer constamment le riz pour que les grains se frottent les uns aux autres, et libèrent leur amidon.

Les expériences menées par J. Kenji López-Alt ont montré que la majeure partie de l’amidon est à la surface des grains, et que c’est cet amidon de surface qui est le principal responsable du caractère crémeux de la sauce.

Là aussi, il semble que l’origine de cette méthode vienne des ustensiles utilisés. Pour les mêmes raisons que le chauffage du bouillon permettait de cuire uniformément le riz du dessus et le riz du dessous, le fait de le mélanger constamment permettait une meilleure répartition des grains de riz par rapport à la chaleur.

On ne peut pas exclure que le fait de remuer constamment le riz favorise (un peu) la libération d’amidon supplémentaire dans la sauce. Mais son rôle est mineur par rapport à l’amidon de surface récupéré par le rinçage du riz avec le bouillon.

Les mauvaises langues prétendent que les mamas italiennes ont perpétué la tradition pour punir des enfants trop agités, ou pour s’offrir un peu de temps calme. Pendant qu’elles étaient devant le fourneau à « tourner le risotto », elles avaient une bonne excuse pour ne pas étendre le linge, passer le balai, couper le bois, surveiller les enfants, etc., bref toutes ces tâches pour lesquelles leurs maris, pères ou fils ont toujours considéré qu’elles étaient irremplaçables !

Quelles implications en cuisine ?


Rincez le riz dans le bouillon pour récupérer l’amidon de surface

En rinçant le riz dans le bouillon, on récupère tout l’amidon qui se trouve à la surface des grains de riz. Et c’est cet amidon qui va se gorger de liquide pendant la cuisson et éclater, pour donner une sauce onctueuse.

Autre avantage : comme cet amidon de surface sera dans le bouillon, il ne sera pas « abîmé » par le « sautage » du riz, et jouera pleinement son rôle pour donner une sauce onctueuse. 

Utilisez une poêle large plutôt qu’un faitout

En utilisant une poêle large, la hauteur de riz à cuire est faible, et il n’y a pas de différence notable entre « le riz du dessus » et « le riz du dessous ». La cuisson sera homogène, sans besoin de « touiller » le riz en permanence.

Faites sauter le riz

Cette étape est indispensable pour torréfier les grains de riz, et leur permettre de développer des arômes complexes de grillé. Et comme l’amidon de surface est maintenant dans le liquide de cuisson, pas de problème !

Versez presque tout le liquide en une fois, et laissez cuire à couvert à feu doux

Comme on n’a plus de problème de « riz de dessus » et de « riz de dessous », et que l’amidon qui nous intéresse est dans le bouillon (après le rinçage du riz), on peut donc verser tout le bouillon en une seule fois. On en gardera juste un peu pour la fin de cuisson, pour ajuster l’onctuosité de la sauce.

Pas besoin de rester « scotché » devant les fourneaux pour verser le bouillon louche par louche.

L’autre avantage, c’est qu’on peut laisser le riz cuire à couvert. Ainsi, il y aura moins d’évaporation, et le riz sera parfaitement cuit et fondant.

Remuez une seule fois, au bout de 10 minutes

Il suffira de donner un tour de cuillère au bout de 10 minutes, pour éviter que le riz n’accroche ou ne forme des paquets. Et c’est tout !

Pendant que le riz cuit, on peut préparer les autres éléments du repas, appeler un ami, nettoyer son plan de travail, lancer une machine, mettre la table, etc. Elle est pas belle la vie ?

Soignez la finition : la liaison au parmesan, au beurre froid ou même à la crème fouettée

La liaison du risotto est une étape essentielle pour « sublimer » le crémeux de la sauce.

Elle consiste à ajouter du fromage râpé (parmesan) et de la matière grasse, et à les mélanger rapidement pour créer une émulsion (mélange instable de liquide et de matière grasse, comme pour une vinaigrette). Ça donne un caractère soyeux et encore plus crémeux au risotto !

La méthode traditionnelle consiste – hors du feu – à verser le fromage râpé et du beurre froid sur le riz, à les laisser fondre 1 minute à couvert, puis à mélanger énergiquement le riz pour émulsionner.

Kenji recommande un « truc » qu’il a appris dans des restaurants réputés : ajouter de la crème épaisse fouettée pour un résultat encore plus soyeuxcrémeux et aérien.

Et pour les « traditionalistes », la crème fouettée, ce n’est rien d’autre que du beurre, de l’eau, et de l’airJ’ai essayé, c’est top !

Servez dans des assiettes chaudes

Après tout le mal que vous vous êtes donné pour obtenir ce crémeux incomparable, il serait dommage que cette délicieuse sauce ne fige dans le plat ou dans les assiettes !

Il est fortement recommandé de faire chauffer le plat de service (allez, pas de chichi, vous pouvez aussi servir dans la poêle) et surtout les assiettes. Pendant que le risotto cuit, mettez vos assiettes à chauffer dans un four entre 50°C et 60°C (thermostat 2).

Variez le bouillon et les accompagnements pour créer votre propre recette

Le risotto est une méthode de cuisson du riz. On peut préparer un risotto « à tout », tant que l’on a les éléments suivants :

  • Du riz à risotto (Arborio, Carnaroli, Vialone Nano)
  • Du bouillon (de volaille, de légume, de poisson, etc.)
  • De la garniture aromatique (oignon, ail, échalotes) et du vin blanc
  • Des accompagnements (légumes, viandes, poissons, fruits de mer, moelle, etc.)
  • Des éléments pour la liaison (beurre, parmesan, crème, lait de coco, etc.)

La recette


La recette que je vous propose est une recette « de base ». Elle est excellente telle quelle, mais peut aussi servir de base à toute variation.

Si vous trouvez une recette qui vous tente, réalisez-la en suivant simplement la méthode que je vous propose pour la cuisson du riz.

Ingrédients pour 4 à 6 personnes

  • 400g de riz à risotto (de préférence Carnaroli ou Vialone nano)
  • 950 ml de bouillon (de volaille ou de légumes, c’est vous qui décidez)
  • 3 CS d’huile d’olive (ou 2CS d’huile d’olive et 15g de beurre)
  • 1 petit oignon émincé (vous pouvez également ajouter 2 gousses d’ail écrasées, et/ou remplacer l’oignon par de l’échalotte).
  • 20 cl de vin blanc (si vous n’en utilisez pas, ajoutez 200 ml de bouillon)
  • 30g de beurre
  • 40g de parmesan rapé
  • 10 cl de crème fraîche fouettée (optionnel, mais tellement meilleur !)

Les étapes

  • versez le riz et le bouillon dans un grand récipient. Mélangez le riz avec les mains ou un fouet pour libérer l’amidon de surface. Égouttez bien à travers une écumoire posée sur un récipient large, pour récupérer tout le liquide.
  • Faites chauffer les 3 CS d’huile d’olive dans une grande poêle à feu moyen. Quand l’huile commence à frémir, ajoutez le riz et la garniture aromatique, et faites les revenir en remuant fréquemment. Quand tout le liquide est évaporé et que le riz commence à colorer (au bout de 5 minutes), ajoutez le vin blanc et laissez réduire jusqu’à complète évaporation en remuant de temps en temps (pendant 3 minutes).
  • Agitez bien le bouillon « amidonné » pour bien répartir l’amidon. Réservez 250 ml de bouillon et versez le reste sur le riz. Salez et ajoutez du safran si vous en utilisez. Faites chauffer à feu vif jusqu’à la reprise de l’ébullition. Remuez le riz pour bien répartir les grains. Couvrez, et baissez le feu au minimum.
  • Laissez le riz cuire pendant 10 minutes. Puis remuez une fois en secouant légèrement la poêle pour bien répartir le riz. Couvrez et laissez cuire encore 5 minutes ; jusqu’à ce que le liquide soit presque totalement absorbé et que le riz soit tendre. Au besoin, rajoutez du bouillon ou même de l’eau pour poursuivre la cuisson du riz.
  • Ôtez le couvercle. Agitez bien le reste de liquide (pour répartir l’amidon) et versez-le sur le riz. Augmentez la chaleur sur feu vif, ajoutez les 30g de beurre, et remuez constamment, jusqu’à ce que le beurre soit fondu et que le riz soit épais et crémeux. Si besoin, ajoutez un peu d’eau pour éviter que le risotto ne soit trop sec.
  • Hors du feu, ajoutez les 40g de parmesan râpé et remuez rapidement pour bien l’incorporer. Si vous en utilisez (ce que je recommande vivement), ajoutez la crème fouettée et remuez pour bien l’incorporer. Servir immédiatement dans des assiettes chaudes. Proposez du parmesan rapé.

Les références

Ci-joint le lien vers l’article de Serious Eats (en anglais) qui décrit cette formidable méthode pour réussir un merveilleux risotto crémeux et soyeux.

http://www.seriouseats.com/2011/10/the-food-lab-the-science-of-risotto.html